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VERS UNE UNION DE LA DÉFENSE ? 

Résumé : le choc russo-américain expose la vulnérabilité sécuritaire de l’Europe. Au delà des instruments communautaires existants et des initiatives intergouvernementales, la création d’une véritable Union de la Défense pourrait être envisagée et prendre la forme d’un nouveau "Traité de défense de l’Union Européenne". 



« Appelle à la mise en place d’une Union de la Défense comprenant des unités militaires et une capacité permanente de déploiement rapide, sous le commandement opérationnel de l’Union » 

Cette proposition officielle de mise en place d’une « Union de la Défense » fait partie de la résolution du Parlement européen adressée au Conseil le 22 novembre 2022 en vertu de l’article 48 TUE visant à une révision des Traités.


Proposition lllusoire ou prémonitoire ? Ou les deux à la fois ?


Rappelons tout d’abord qu’une « Union de la Défense » est, en fait, un projet ancien, avorté lors du rejet de la CED (1952) mais resté gravé dans les traités successifs de l’UEO (1954) puis de Maastricht (1992) et de Lisbonne (2007) sous une forme quasi-identique :

 

« La politique de sécurité et de défense commune inclut la définition progressive d'une politique de défense commune de l'Union. Elle conduira à une défense commune, dès lors que le Conseil européen, statuant à l'unanimité, en aura décidé ainsi. » (article 42§2 TUE)


On peut certes se féliciter de la perduration de cet objectif pendant plus d’un demi siècle - mais on doit surtout s’interroger sur les raisons pour lesquelles les États membres de la CEE puis de l’UE n’ont jamais sérieusement envisagé sa mise en oeuvre. Et se demander si, dans les circonstances actuelles, il ne devrait pas être à nouveau remis à l’étude sous une forme ou une autre. 

 


Le bouleversement de la situation sécuritaire de l’Europe révèle sa vulnérabilité et la nécessité de prendre en charge sa propre défense

L’invasion russe en Ukraine et l’arrivée au pouvoir de l’Administration Trump provoquent en effet un bouleversement de la situation sécuritaire de l’Europe.


Comme l’expriment abondamment et unanimement les déclarations officielles et les nombreux commentaires et analyses, l’impérialisme russe et le désengagement américain mettent à nu sa vulnérabilité stratégique.


Le basculement géopolitique des États-Unis - annoncé depuis une dizaine d’années - est en train de s’effectuer sous nos yeux à marche forcée.


La crédibilité du bouclier de l’OTAN -  jusqu’ici le pilier majeur de la défense européenne - est brutalement remise en cause.


De sorte que la prise en mains par l’Europe de sa propre défense est devenue une urgente nécessité - comme l’y incite d’ailleurs fortement l’actuelle Administration Trump elle même … 

La question n’est plus « quand  ? » - mais « comment ? ».



Les modalités de renforcement existantes et possibles

Schématiquement, quatre type d’actions de natures différentes peuvent être distinguées :

  • la poursuite, au coup par coup et sous l’égide de l’UE27, de l’adoption de mesures de natures diverses relatives à la PESD - dont certaines de caractère militaire - mais soumises, pour l’essentiel, au vote unanime des États membres (1),  

  • le recours à des accords intergouvernementaux ad hoc de coopération sécuritaire entre certains États membres de l’UE27 mais en marge de celle-ci (cf. les groupes de Weimar ou de Versailles), 

  • le renforcement du pilier européen au sein de l’OTAN,  

  • l’activation par l’UE27 de la clause de création d’une défense commune évoquée ci-dessus.  

En fait, ces quatre modalités sont compatibles et même complémentaires. Mais, face à la nouvelle situation géopolitique évoquée ci-dessus, la quatrième devrait être prise en considération.


Le moment semble en effet venu pour l’UE de poser clairement la question de l’activation de la clause de l’article 42§7 du Traité de Lisbonne : la création d’une défense commune sous la forme d’une "Union européenne de Défense".



La création d’une « Union de la Défense » réunissant un groupe d’États membres

Il s’agirait d’une construction institutionnelle spécifique exclusivement consacrée - sur le modèle otanien - à un objectif de défense stricto sensu c‘est à dire visant à édifier un commandement et un appareil militaires communs.


Une telle Union dans un domaine aussi névralgique devrait prendre la forme institutionnelle la plus élevée : celle d’un pacte matérialisé par un Traité de même niveau que les Traités européens - dont il serait complémentaire mais distinct. En somme un « Traité sur l'Union Européenne de Défense » (TUED) ...


Pour illustrer cette hypothèse, on peut par exemple imaginer que l'organe directeur du TUED serait un Conseil de Sécurité (2) réunissant les Chefs d’Etat et de Gouvernement des pays membres - son organe exécutif serait un Conseil de défense composé des Ministres nationaux compétents assistés par les Chefs d’État majors, etc … D’autre part, la forme et la place du TUED par rapport au système institutionnel européen de base - cad le traité de Lisbonne - pourraient s’inspirer de précédents comme l’accord de Schengen ou le Mécanisme européen de stabilité.


Il est clair toutefois qu’une telle initiative impliquant une délégation - ou plutôt une mise en commun - des souverainetés nationales dans un tel domaine ne peut pas - à ce stade au moins - concerner l’ensemble des États membres de l’UE27. Un TUED devrait rassembler les pays volontaires et capables (« willing and able ») d’assumer cette mission et cette tâche. C’est à dire ceux qui acceptent politiquement de s’y engager et qui disposent de capacités militaires suffisantes pour rendre crédible leur alliance (3).


Des liens souples avec le système de la PESD de l’UE27 pourraient être prévus - par exemple avec la clause de défense mutuelle (article 42§7).



L’élaboration d’un Traité de Défense de l’Union Européenne (TDUE)

Dès lors, la proposition d’élaborer un projet de TDUE ne peut pas provenir du Conseil Européen comme le prévoit l’article 42§2 précité du Traité de Lisbonne. Il appartiendrait plutôt à un ou plusieurs dirigeants des pays concernés d’en prendre l’initiative. Celle-ci une fois lancée et le groupe des pays participants constitué, le projet de TDUE pourrait être rédigé.


En vue d’asseoir sa légitimité, le projet pourrait au préalable être transmis à une assemblée réunissant des représentants des Gouvernements des États concernés ainsi que des Parlements nationaux et européen : en somme, une sorte de Convention au sens de l’article 48§3 TUE. Une fois adopté, il serait soumis à ratification par les États membres de la nouvelle Union : vu sa nature, le recours au referendum serait justifié.


Un tel exercice - et un tel enjeu - nécessiteraient inévitablement un certain temps de maturation et de procédures. Toutefois, la seule annonce d’une entreprise de cette envergure pourrait déjà produire des effets politiques sensibles . Ce serait la démonstration publique d’une prise de conscience par les États concernés de la gravité de la situation sécuritaire européenne - et la perspective tangible d’effectuer enfin un pas décisif vers une défense européenne crédible.


En réalité, les chances d’aboutissement d’un projet (martyre …) de ce type sont minces. Déstabilisés par la violence militaire de la Russie de Poutine et par la volatilité diplomatique de l’Administration Trump - et, plus encore, par l’éventuelle conjugaison de deux - les dirigeants de l’UE27 peinent à s’entendre sur une réaction commune immédiate. À plus forte raison sont-ils encore loin d’envisager la création d’un sytème structuré et pérenne de défense commune en dépit du bouleversement de leur environnement sécuritaire. Au surplus, les plus « capables » d’entre eux sont accaparés par des problèmes domestiques ou des échéances électorales. De sorte que leur réaction au choc russo-américain risque de se limiter tant bien que mal aux deux premières modalités évoquées ci-dessus : des mesures sectorielles de soutien prises dans le cadre de l’UE27 et des initiatives intergouvernementales plus opérationnelles selon des formats variables.


L’avenir - très proche - nous dira si ces modalités s’avèrent suffisantes ou si - comme l’exprime le Premier Ministre d’Espagne M. Sanchez - « l’Europe doit définir, une fois pour toutes, sa sécurité et sa défense comme un bien public ». 


Jean-Guy Giraud

21 - 02 - 2025


____________________

(1) le Traité prévoit aussi « de confier la réalisation d’une mission, dans le cadre de l’Union, à un groupe d’États membres »  pour entreprendre des actions diverses dont « des missions de force de combat pour la gestion des crises » (article 42§5 TUE) Toutefois la création de telles missions nécessite le vote unanime des États membres. 

(3) en 2017, l’activation de la clause de « coopération structurée permanente » - basée sur l’article 42§6 et 46 TUE - a échoué du fait de la volonté de participation de la quasi totalité des États membres combinée avec l’exigence du vote unanime pour ses décisions. 

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