La Présidente von der Leyen vient de faire connaitre l’organisation du future Commission (1). Alors que se préparent les auditions des futurs membres par les commissions du Parlement européen - en amont de l’approbation par celui-ci de l’ensemble du collège - il parait utile de rappeler le cadre et les limites de cet exercice tels que fixés par les Traités.
Rappelons tout d’abord que l’article 17 al. 3 TUE prévoit que "les membres de la Commission sont soumis en tant que collège à un vote d’approbation du Parlement européen “ (à la majorité simple).
Il ne s’agit donc pas d’un exercice d’approbation individuelle de chaque commissaire. Toutefois, il est admis que le Parlement puisse vouloir vérifier - en les entendant séparément - que chacun des futurs commissaires remplit bien les trois critères généraux fixés par l’article 17§3 TUE : "leur compétence générale, leur engagement européen et leur indépendance” (2).
Il peut aussi raisonnablement souhaiter évaluer que, dans son ensemble, la composition de la future Commission respecte certains grands équilibres géographiques (E/O - N/S), politiques (résultant des élections européennes) et de genre.
Il est plus discutable, mais généralement admis, que les commissions concernées cherchent à évaluer les compétences spécifiquesde chaque futur commissaire en fonction du mandat personnel qui doit leur être confié par la Présidente - tout en rappelant que celle ci conserve le droit de modifier ces mandats en cours d’exercice (voir ci-dessous).
Mais là devrait, du moins en droit, s’arrêter le rôle du Parlement.
Celui-ci ne devrait normalement pas s’immiscer dans la future organisation du collège car les Traités réservent cette compétence à la seule Présidente (3).
L'article 17§6 TUE dispose en effet que la Présidente seule :
"décide de l’organisation interne de la Commission (afin d’assurer la cohérence, l’efficacité et la collégialité de son action)”,
"nomme des vice -présidents parmi les membres de la Commission”
Et l’article 248 TFUE confirme ainsi cette règle :
“les responsabilités incombant à la Commission sont structurées et réparties entre ses membres par le Président”
“le Président peut remanier la répartition de ces responsabilités en cours de mandat “.
Cette mise au point parait utile alors que la presse (spécialisée) fourmille de commentaires plus ou moins avisés sur les structures et la répartition des fonctions au sein du collège telles qu’annoncées - de façon très transparente - par la Présidente (4).
Commentaires qui vont sans doute inciter les commissions parlementaires à s’immiscer jusque dans le détail de cette organisation. Voire à conditionner le vote d’approbation final du PE à des modifications plus ou moins larges du schéma prévu - au risque d’ailleurs de bouleverser les équilibres (délicats) établis par la Présidente. Équilibres qui reflètent aussi les priorités politiques que celle-ci et le collège entendent librement se fixer pour la durée de leur mandat - comme les Traités leur en confient le droit et la responsabilité.
On peut aussi craindre que - comme par le passé - ces auditions “tous azimuts” ne dérivent vers des confrontations politiques, des affrontements partisans ou nationaux - voire des mises en cause personnelles (5).
Il sera de la responsabilité des Présidents de commissions, du Bureau et du Président du Parlement de veiller à la fois au respect des règles prévues par les Traités et, plus largement, du principe d’indépendance de la Commission en tant qu’Institution.
S’il devait toutefois apparaitre, lors de ces auditions, des éléments nouveaux d’importance justifiant des modifications marginales du plan élaboré par la Présidente, celle-ci pourrait bien sûr décider librement d’en tenir compte.
L’essentiel est que soit préservée la règle constitutionnelle de base de l’équilibre des pouvoirs entre les trois Institutions qui gouvernent l’Union. Cet équilibre a été établi - et adapté au fil des révisions des Traités - afin de servir au mieux la réalisation du projet européen. Il ne devrait pas être mis en cause à la légère par des considérations irréfléchies, à courte vue ou non pertinentes.
La XVIème mandature de la Commission européenne (1958 - 2019) s’annonce sous de relativement bonnes auspices, après des élections européennes plutôt réussies. Mais les problèmes internes et externes que l’Union devra traiter au lendemain même de la mise en place des nouveaux pouvoirs exécutif et législatif de l’Union sont nombreux et redoutables. Il est donc essentiel que cette mise en place se fasse de la façon la plus ordonnée possible, établissant notamment - dès le départ - des relations confiantes et constructives entre ces deux pouvoirs.
Jean-Guy Giraud 12 - 09 - 2019
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(1) https://g8fip1kplyr33r3krz5b97d1-wpengine.netdna-ssl.com/wp-content/uploads/2019/09/VDL_chart_revise.pdf?utm_source=POLITICO.EU&utm_campaign=10b0b73e8c-EMAIL_CAMPAIGN_2019_09_12_05_06&utm_medium=email&utm_term=0_10959edeb5-10b0b73e8c-189035333 (2) notamment du fait que le respect de ces trois critères n’est pas toujours déterminant dans le choix des candidats proposés par les Gouvernements
(3) à noter que, dans son règlement intérieur (Annexe VI art.1§2 ), le Parlement s’est accordé, ultra vires, le droit "de s’exprimer sur la répartition des portefeuilles” au sein du futur collège. De même, toutes les modalités très détaillées des auditions, tendent à lui attribuer une sorte de droit de veto individuel sur les futurs commissaires
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