Le 27 juin 2024, le Conseil européen est parvenu à un accord sur le choix conjoint des trois principaux responsables des Institutions de l’UE : les deux Présidents du Conseil européen et de la Commission ainsi que la Haute Représentante pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Mme Kaja Kallas.
En même temps que la liste complète des commissaires, le choix de Mme Kallas devra être confirmé par le Conseil puis approuvée par le Parlement européen avant d'être formellement entériné par le Conseil européen.
Comme pour les autres commissaires, le Parlement procèdera à une audition de Mme Kallas avant l’ approbation de sa candidature.
Les deux votes prévus du Conseil et du Conseil européen - statuant à la majorité qualifiée - semblent acquis même si les conditions (plutôt expéditives) du choix initial par le Conseil européen ont causé quelques frictions avec certains chefs de gouvernement (notamment italien).
Toutefois, l’examen plus approfondi de cette candidature par le Parlement pourrait s’avérer, lui, plus délicat.
Certes, le choix d’une personnalité d’Europe de l’Est, de sexe féminin et appartenant à une des trois grandes familles politiques européennes semble approprié. Il en est de même pour sa qualité d’ancienne chef de gouvernement, ministre et parlementaire européenne.
Mais l’examen du Parlement sera - conformément au Traité - plus directement axé sur les trois critères prévus par le Traité pour l’exercice de sa fonction : compétence, indépendance, engagement.
Sur ces trois points, plusieurs questions peuvent se poser :
la compétence et l’expérience de Mme Kallas en matière de politique étrangère et de sécurité sont-elles à la hauteur de la fonction très exigeante de HP ? Possède-t-elle, sur le plan international, les connaissances géo-politiques et les relations personnelles nécessaires ? De quelle notoriété jouit-elle sur la scène diplomatique européenne et mondiale ? Quel sera son poids face au Conseil européen ? Saura-t-elle gérer un service aussi nombreux et complexe que le SEAE et articuler son rôle avec ceux des Présidents du Conseil européen et de la Commission ?
son indépendance et son engagement européen sont difficiles à mesurer a priori mais devraient poser peu de problèmes. Mme Kallas est créditée d’une assez forte personnalité sur laquelle son pays d’origine ne devrait pas avoir d’influence particulière. Ses convictions européennes paraissent solides comme en témoignent, par exemple, ses prises de position sur la question ukrainienne. A contrario, sur d’autre dossiers tels que le conflit palestinien ou les relations trans-atlantiques, des clarifications sur sa vision des choses seront sans doute sollicitées.
Inévitablement, l’ombre du HR sortant pèsera sur l’audition de Mme Kallas. On sait la compétence, l’engagement et l’autorité exceptionnels de M. Borrell qui a dû bien souvent batailler pour surmonter les hésitations voire la paralysie du Conseil Affaires Étrangères ( notamment sur la question de Gaza) - et parfois se heurter à la Commission. Il est malgré tout parvenu (contrairement à ses prédécesseurs) à donner à sa fonction propre et au SEAE la dimension d’un véritable Ministère européen des Affaires Étrangères conformément à l’esprit du Traité et, surtout, à la défense des intérêts et des valeurs européens ainsi que de l’ordre international onusien.
Mme Kallas sera-t-elle en mesure non seulement de préserver mais aussi de renforcer cet acquis ? Au fond, c’est la question principale sur laquelle, in fine, le Parlement devrait trancher.
Jean-Guy Giraud - 27/08/2024
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