top of page
Rechercher

LIVRE BLANC SUR LA DÉFENSE EUROPÉENNE - OU SUR LES DÉFENSES NATIONALES ?


 

La Commission vient de diffuser et soumettre au Conseil européen des 20 mars et 26 juin 2025 le très attendu « Livre blanc sur la défense européenne ». 


Ce document de 21 pages :


  • expose le contexte stratégique dans lequel se trouve l’UE (Russie, Chine, Moyen Orient, …) et les possibilités de partenariats internationaux (OTAN, RU, Canada, Turquie, Inde, ) 

  • fournit une liste exhaustive des secteurs de défense dans lesquels les capacités des États membres doivent être sensiblement accrus : artillery systems - ammunition and missiles - drones and anti-drones systems - military mobility - cyber & electronic warfare - infrastructure protection ...

  • analyse les moyens de mise à niveau de l’industrie de défense européenne : planification coordonnée à long terme, coordination des commandes d’équipement, libération du marché commun de défense, aides à l’innovation et à la formation, ...  

  • propose un co-financement européen des investissements nécessaires par un mécanisme d’emprunt prêts spécifique de 150 milliards mis à la disposition des États membres ( « Security and Action for Europe » - SAFE) pouvant être complété par 1. une mobilisation des capitaux privés à l’échelle européenne ( « Savings and Investment Union » plan) 2. un appel éventuel au Mécanisme Européen de stabilité 3. des prêts consentis par la Banque Européenne d'Investissements 

 

En résumé, il s’agit bien d’un exercice de soutien et de coordination par l’UE des efforts de défense nationaux des États membres - par opposition à une avancée vers une « défense commune » au sens de l’article 42§2 TUE (« la PSDC conduira à une défense commune » ). 

La Commission prend bien soin de le préciser à plusieurs reprises :


  • « Member States will always retain responsibility for their own troops, from doctrine to deployment, and for the definition needs of their armed forces. Furthermore, the EU will always act in a way that is without prejudice to the specific character of the security and defence policy of certain Member States and taking into consideration the security and defence interests of all Member States

  • « Member States shall pool their efforts / choose the format for collaborative projects / agree on the governance framework for each type of capability, ... » 

 

Dans un document explicatif du Livre Blanc, la Commission l’exprime plus clairement encore:

 

"The concept (of European defense) fully acknowledges that Member States are and will remain in the driving seat for defence, from doctrine to deployment.
Member States will always be responsible for their armed forces. Defence is and will remain a national prerogative. »

En d’autres termes, il s’agit plus d’un livre blanc sur les appareils de défense nationaux que sur une défense européenne intégrée. Non seulement cet objectif n’est pas mentionné mais il est même expressément écarté - du moins à ce stade. 

 

On peut certes estimer qu’une « défense commune »  - cad organisée et dirigée en commun - pré-suppose l’existence d’un appareil et d’un potentiel militaires collectifs capables d’assurer matériellement cette défense. Et que le but du Livre Blanc se limite au renforcement de cet appareil au niveau des États pris individuellement. Et que la question très politique d’une direction mutualisée de la défense de l’Europe implique un accord préalable des États au plus haut niveau, soit celui du Conseil européen. 

 

C’est d’ailleurs ce que prévoit le Traité (article 42§2 TUE) qui précise que la politique actuelle de sécurité et de défense commune « conduira à une défense commune dès lors que le Conseil européen, statuant à l’unanimité, en aura décidé ainsi ». Et qui, pour faire bonne mesure, « recommande, dans ce cas, aux États membres d’adopter une décision dans ce sens conformément à leurs règles constitutionnelles respectives ».   

 

On voit bien que dans la composition actuelle de l’UE27 - au surplus appelée à s’élargir à une dizaine d’autres États - un tel accord s’avère pour le moins problématique.

 

 

Les pessimistes craindront que cette perspective de ré-armements nationaux favorisés par l’UE - dans la mesure où elle demeurerait dénuée de toute contrainte de mise en commun et d’usage concerté de forces ainsi décuplées avec son soutien actif - n’ouvre la voie à de dangereuses dérives de la part de certains États membres, au gré de leurs évolutions politiques internes. Le précédent ukrainien est, à cet égard, pré-occupant.

 

Les optimistes espéreront que - faute d’accord à 27 dans un avenir prévisible - certains des États membres les plus engagés en faveur d’une « défense commune » et les mieux dotés en capacités militaires décideront de former entre eux une sorte d’alliance défensive crédible politiquement et militairement (voir ici).

 

Les réalistes (majoritaires) estimeront qu’à chaque jour suffit sa peine et renverront comme à l’accoutumée « au plus long terme » toute décision de fond jugée pour le moment illusoire ou du moins prématurée. 

 

 

Certains se souviendront tout de même que, tirant rapidement les leçons du deuxième conflit mondial, le Traité de Paris (CECA - 1951) avait organisé non seulement le développement collectif de certaines capacités industrielles névralgiques des États membres (charbon/acier) - mais aussi assuré leur mise commun et leur gestion par un sytème de gouvernement collectif doté d’un exécutif fort (la « Haute Autorité »). Autres temps, autres audaces … 

 

 

Jean-Guy Giraud

19 - 03 - 2025 

Comments


©2018 by Ventotene. Proudly created with Wix.com

bottom of page