L’accord commercial UE/MERCOSUR (1) a été officiellement signé par les deux parties en Juin 2019. (2)
Un long délai de ratification et de sérieuses objections
Il n’entrera pas en vigueur avant l’achèvement des procédures lesquelles impliquent notamment l’accord du Parlement européen et la ratification par l’ensemble des États membres (y compris, le cas échéant, par voie parlementaire).
C’est dire qu’un délai de plusieurs années s’écoulera encore avant cette entrée en vigueur.
Ce délai pourrait être mis à profit pour débattre des différents problèmes que pose cet accord - lequel fait déjà l’objet de vives critiques et polémiques dans l’opinion européenne et notamment française (3).
Ces problèmes sont schématiquement de deux ordres :
sur le plan purement commercial/concurrentiel, les producteurs européens craignent un fort accroissement de certaines importations (notamment agricoles) à des prix inférieurs à ceux du marché continental,
sur le plan de la protection de la santé et de l’environnement, ce sont la qualité des produits importés et l’impact environnemental de leur production qui sont en cause.
Le volet proprement commercial
Les craintes suscitées par le volet commercial de l’accord sont celles que suscitent classiquement toute libération des échanges internationaux, en particulier dans des domaines sensibles comme ceux des produits agricoles.
À cet égard, l’accord prévoit les mécanismes habituels (quotas et clauses diverses) susceptibles de limiter les perturbations anormales du marché.
Ces clauses sont d’application simple et quasi-automatique de sorte que leur effectivité est, en principe, garantie.
Les volets sanitaire et environnemental
Il n’en est pas de même pour ce qui concerne les volets sanitaire et environnemental de l’accord.
Sur le plan sanitaire, tous les produits importés par l’UE (notamment agricoles) doivent théoriquement être conformes aux normes sanitaires européennes en vigueur. Mais ici se pose un un réel problème de contrôle de cette conformité. Comment l’UE peut-elle en effet s’assurer :
que les pays exportateurs édictent effectivement des normes agréées et sont réellement en mesure de les faire respecter ? L’UE se heurte ici à la souveraineté des États exportateurs et n’a guère de moyen de vérification - encore moins de pression,
que les produits entrant dans l’UE sont vraiment conformes ? Il est matériellement impossible d’effectuer de tels contrôles dans les points d’entrée, si ce n’est par voie aléatoire et finalement peu efficace.
Sur le plan environnemental, le problème est beaucoup plus vaste : il s’agit d’estimer l’impact de la production des biens importés sur l’environnement du pays concerné mais aussi, par répercussion, sur l’équilibre écologique de l’ensemble de la planète (cf. la déforestation, le transport des marchandises, etc ...) (4).
 l’évidence, l’UE n’a aucune légitimité directe et, à plus forte raison, aucun moyen juridique pour contrôler le respect des normes internationales de protection du climat - lors qu’elles existent - par les pays exportateurs.
La Commission invoque la signature de plusieurs accords internationaux - et notamment de l’accord de Paris - par ces pays. Mais l’on sait que le respect effectif de ces accords est très aléatoire et, de plus, susceptible d’être remis en cause par les Gouvernements successifs des États concernés (cf. le cas du Brésil) (5).
Dans la période actuelle de découverte d’une détérioration du climat beaucoup plus rapide qu’anticipée par les scientifiques, cette question est devenue centrale et prioritaire. De sorte qu’il ne serait pas acceptable - et il ne sera pas accepté - qu’un accord de l’ampleur de celui du MERCOSUR n’apporte pas les garanties nécessaires au delà des clauses très générales figurant déjà dans l’accord.
La nécessité de garanties supplémentaires
Il apparait donc assez clairement que l’entrée en vigueur de cet accord n’aura lieu que si cette double question des normes sanitaires et environnementales est abordée plus directement par les deux parties et si de nouvelles et véritables garanties peuvent être définies et agréées.
Ceci implique inévitablement des négociations supplémentaires sans doute plus difficiles, de par leur nature, que celles relatives au volet commercial - lequel ne nécessite pas de remise en cause, sinon éventuellement, sectorielle.
Il peut être envisagé que ces négociations visent à aboutir à un accord juridiquement distinct mais complémentaire de l’accord initial - et qu’elles se déroulent en parallèle avec le débat sur la ratification de celui-ci (qui prendra, répétons-le, plusieurs années).
Deux remarques de caractère plus général peuvent être faites en regard avec l’accord UE/MERCOSUR :
par la signature de nombreux accords de ce type avec quasiment l’ensemble de ses partenaires internationaux (à l’exception notable des États Unis) (6), l’UE a affirmé de façon spectaculaire son statut de plus grande puissance commerciale mondiale. Elle le doit principalement à la Commission et plus particulièrement à la commissaire en charge sortante (Cecilia Malström) et à la DG Trade.
la nature même de ces accords visant par nature/principe à un développement des échanges internationaux et donc (?) de la croissance économique au niveau mondial est elle même mise en cause. Ce débat général est légitime et doit être pris en compte. L’accord MERCOSUR en est sans doute l’occasion et … l’otage.
Jean-Guy Giraud 24 - 07 - 2019
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(1) les pays concernés sont le Brésil, l’Argentine, l’Uruguay et le Paraguay
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