Selon le calendrier pré-établi par le Conseil, la Hongrie devrait prendre la présidence du Conseil (de ministres) à partir du 1 Juillet 2024 jusqu’au 31 Décembre 2024.
Du fait des positions prises par le gouvernement hongrois en place présidé par M. Orban dans différents domaines de compétence de l’UE, l’exercice de la présidence du Conseil par la Hongrie fait l’objet de débats et de contestations (notamment de la part du PE).
D’autre part, la Hongrie se trouve actuellement impliquée dans la première phase de la procédure de l’article 7 TUE relative à la protection des valeurs de l’Union. Le Conseil a en effet déjà statué qu’il existait un risque clair de violation grave de ces valeurs par la Hongrie.
Dès lors, la question politique et juridique de la suspension ou du report de la présidence hongroise se trouve notamment posée.
Sur le plan politique, il appartient aux États membres de juger de l’opportunité d’une telle décision en tenant compte de tous les paramètres du moment et des conséquences éventuelles d’un tel précédent.
Sur le plan juridique, il semble qu’une suspension ou un report de la présidence hongrois pourraient être - le cas échéant - décidés par le Conseil statuant à la majorité.
Cette décision pourrait comprendre les éléments suivants :
une « vérification » formelle par le Conseil (statuant à la majorité des 4/5èmes) de la nécessité de poursuivre la procédure de l’article 7 TUE ainsi que prévu au § 1 al. 2 de cet article (1),
une déclaration motivée précisant et motivant le fait que l’exercice de la présidence du Conseil ne peut être exercée par un État membre engagé dans cette procédure,
une décision du Conseil (statuant à la majorité qualifiée) suspendant l’exercice de la présidence par la Hongrie aussi longtemps que cet État fera l’objet de la procédure de l’article 7 TUE,
une décision d’application du Conseil (statuant à la majorité qualifiée) prolongeant la présidence en cours (de la Belgique) jusqu’au 31 Décembre 2024 (2),
une décision consécutive du Conseil (statuant à la majorité qualifiée) pour adapter l’ordre et le calendrier des présidences (3) .
Quelques remarques supplémentaires peuvent être faites :
le service juridique du Conseil a sans doute déjà examiné cette affaire sous tous ses angles - mais son avis n’est pas public,
le Conseil européen serait sans doute saisi en amont d’une telle éventualité mais sous une forme juridique qui reste imprécise,
les décisions à prendre par le Conseil (voir les 5 points ci-dessus) devraient être prises avant le 1 Juillet 2024 sur l’initiative de la Présidence belge.
En réalité, toute cette affaire revêt un caractère politique très délicat, surtout au vu des échéances concomitantes au sein même de l’Union (élection du PE, nomination de la nouvelle Commission et du nouveau Président du Conseil européen, etc …).
D’autre part, les circonstances internationales (notamment la situation en Ukraine) exerceront aussi des pressions contradictoires : préserver le statu quo par crainte de crise institutionnelle interne ou prendre le risque d’une présidence hongroise peu coopérative, voire ouvertement « déloyale » au sens de l’article 4§3 TUE.
Si toutefois une telle décision était prise, elle constituerait un précédent à la fois politique et juridique renforçant la portée de l’article 7 et démontrant que l’UE n’est pas démunie de capacités de réaction dans un cas similaire.
Jean-Guy Giraud
30 - 05 - 2024
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(1) cette vérification ne semble pas obligatoire sur le plan strictement juridique mais pourrait servir de « point d’appui » politique
(2) sauf si, d’ici là, la procédure de l’article 7 était interrompue par le Conseil (statuant à la majorité qualifiée)
(3) une décision formelle préalable du Conseil Européen statuant à la majorité qualifiée serait peut-être nécessaire
TUE ART 16 § 9
TFUE ART 236
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