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LA FRANCE VA-T-ELLE FAIRE DÉFAUT AU BUDGET DE L'UNION ? 


La France va-t-elle verser sa contribution au budget européen de 2025 ? La question est officiellement posée.


 

De quelle contribution s’agit-il ?

Le budget de l’UE est censé être « intégralement financé par des ressources propres » à l’UE. En fait, la réalité est tout autre. Faute d’accord unanime des États membres pour accroitre les ressources propres existantes ou en créer de nouvelles, ce sont des contributions (« ressources PNB ») des États qui financent aujourd’hui près de … 80% des dépenses européennes.

 

Le versement de ces contributions doit être autorisé chaque année par chacun des 27 États membres - le plus souvent dans le cadre de l’adoption de leurs propres budgets annuels nationaux. 

 

Il en résulte que ce versement est tributaire/otage de la capacité de chaque Gouvernement de convaincre son Parlement de voter cette contribution - voire de voter le budget lui-même. 

 

Or le vote annuel du budget national - en lui même - est fréquemment l’objet de débats parlementaires très politisés et d’affrontements entre l’opposition et la majorité (voire à l’intérieur de celle-ci). 

 

Le risque de blocage plus ou moins durable de la contribution nationale au budget de l’UE peut donc se matérialiser chaque année dans l’un quelconque des 27 États membres.

 


Le cas français pour le budget 2025

C’est précisément ce qui vient de se produire en France. (1)

 

Lors du vote de la partie « Ressources » du projet de loi de finances pour l’exercice 2025, le Parlement a, dans un premier vote, réduit de 5 milliards (sur un total exigible de 25 milliards) cette contribution. Et, dans un deuxième vote, il a carrément rejeté l’ensemble de cette enveloppe. 

 

De sorte que, en l'état, la France se trouve dans l’incapacité de verser cette contribution. 

 

Il est toutefois possible - mais non certain - que cette enveloppe soit entièrement ou partiellement rétablie dans la suite de la procédure budgétaire à la faveur de la « navette parlementaire »  (cad lors des votes successifs du Sénat et de l’Assemblée). Il est également possible que le Gouvernement la rétablisse en déclenchant la procédure dite de l’art.49§3 qui lui donne - à titre exceptionnel - un droit de dernier mot sur l’ensemble de la loi de finance.



Une épée de Damoclès sur le budget européen

Quelle que soit l’issue de l’imbroglio parlementaire français, on voit que l’existence même et les modalités d’adoption de ces contributions nationales font peser un risque réel sur le financement du budget de l’Union

 

Il est en effet fréquent que la situation politique interne de l’un ou l’autre État membre provoque de tels blocages - notamment dans ceux où existe une opposition plus ou moins forte au développement des actions - et donc du budget - européens. Opposition qui est fort heureusement modérée dans le cas des États en fait bénéficiaires nets des financement de l’UE.

 

C’est précisément pour éviter de telles situations que les auteurs des traités ont voulu, depuis 1970/1975, rendre autonomes les recettes budgétaires de l’Union en la dotant de « ressources propres » directement affectées. Ce fut notamment le cas, dès l’origine, pour la CECA financée par des prélèvements directs sur le charbon et l’acier. 


 

Quid en cas de défaut ?  

L’Union (en pratique la Commission chargée de l’exécution du budget) ne dispose pas de moyen juridique pour forcer un État membre à verser sa contribution. 


Dans l’hypothèse d’un simple report de versement, elle peut appliquer des « intérêts de retard » qui viendront s’ajouter à cette contribution lors de son règlement. 


Dans le cas extrême d’une incapacité (due à un blocage interne) ou d’un refus explicite de versement, elle peut attaquer l’État concerné devant la Cour de justice européenne dans une procédure dite de « manquement ».


On voit bien que, dans cette dernière hypothèse, on serait en fait confronté à un conflit politique majeur entre cet État et l’Union. 

 


Les contradictions du système

Le budget européen est véritablement « le nerf de l’Union ». Tant sur le plan intérieur que dans ses opérations extérieures, c'est souvent à travers le canal financier que l’UE peut intervenir pour résoudre des difficultés ou développer ses actions. 


Pour cette raison, ce budget - et donc ces contributions nationales - sont en constante expansion et pèsent de plus en plus lourd sur les comptes nationaux. Et ce, alors que l’Union elle-même invite les États membres à équilibrer leurs  comptes sous la menace de sanctions (budgétaires …) en cas de déficits ou de dettes excessifs. Les limites - voire les contradictions du système - apparaissent ici clairement.


Une lueur d’espoir cependant : sous la pression du Parlement, la Commission a proposé de créer de nouvelles ressources (véritablement) propres qui permettraient de limiter le montant des contributions nationales. Paradoxalement, de nombreux États membres y sont réticents : peut-être préfèrent-ils, en fin ce compte, conserver les cordons de la bourse - fut-ce à leur détriment. 


Jean-Guy Giraud

02 - 11 - 2024


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