Une remarquable et très opportune étude publiée dans The Journal of Common Market Studies (1) du 10/11/2024 (1) fait le point sur la capacité d’emprunt/prêt de l’UE destinée à financer, à l’échelle européenne, les considérables besoins d’investissements dans différents domaines tels que l'intelligence artificielle, l’adaptation climatique, la productivité industrielle, la défense, …
Cette étude se situe dans le cadre des réflexions suscitées par les récents rapports de MM. Letta et Draghi qui ont mis en évidence de façon claire et pressante le danger que représente pour l’économie européenne l’incapacité de l’UE à rassembler/mutualiser/mobiliser l’épargne à son échelle afin de financer ces investissements.
L’analyse porte ici sur le seul volet des opérations souveraines - c’est à dire celles initiées et garanties par un émetteur public (l’UE en tant que personne morale) et gérées par une entité publique (la Commission).
Cette question s’insère dans le cadre plus large de la réalisation de l’Union Financière Européenne et notamment de l’Union Bancaire et de l’Union des Marchés de Capitaux - par ailleurs tout aussi indispensables pour permettre une mobilisation, au niveau européen , de l’abondante épargne privée jusqu’ici fractionnée sur les différents marchés nationaux.
En filigrane, elle préfigure la très délicate et encore lointaine création d’un véritable Trésor Européen (le mot est lâché …) venant en appui des - et en liaison avec les - Trésors nationaux.
Sur les plans politiques et institutionnels, les auteurs rappellent les limites et obstacles auxquels se heurte encore le développement de la capacité d’emprunt/prêt de l’UE. Obstacles juridiques du fait de l’absence de base légale explicite dans le Traité suscitant une interprétation restrictive de certaines Cours Suprêmes ( notamment de la Bundesgerichtshof et de la CJE). Obstacles politiques soulevés par certains gouvernements au titre de la préservation d’une souveraineté et d’une autonomie financières nationales. Auxquels il faudrait ajouter les réticences administratives exercées par les organes nationaux compétents (Ministères des Finances et Trésors).
Dans la double perpective temporelle de la terminaison du Plan de relance - NextGenerationEU (2026) et de la préparation du prochain Cadre Financier Pluriannuel (2028/2034), cette question sera inévitablement posée (en parallèle avec celle des Ressources Propres du budget destinées notamment à garantir les emprunts européens).
Pourra-t-elle être résolue au niveau de l’UE27 ? Faudra-t-il imaginer des formes provisoires d’intégration différenciée ou de coopération renforcée - voire d’accords intergouvernementaux ? Le débat est ouvert et la nouvelle Commission voudra certainement prendre clairement position dès le début de 2025.
Pour guider le lecteur de cette longue étude technique du Journal of Common Market Studies , nous reprenons ici quelques extraits significatifs de son introduction :
« The power to borrow has long been one of two elements of the European Union's (EU's) financial autonomy, alongside the Union's own resources
For some, such borrowing constitutes the Union's ‘second financial arm' and for others, it is akin to a ‘shadow budget.
Since 2020, the amount of EU borrowing has increased significantly with the creation of SURE (Support to mitigate Unemployment Risks in an Emergency) and Next Generation EU (NGEU) and its Recovery and Resilience Facility (RRF).
In 2023, the European Commission issued €115.9 billion in new debt, about twice as much as the Spanish government (Devere, 2023; European Commission, 2023).
The Commission has become an established issuer on capital markets rather than an occasional one, thus taking an important step towards becoming a European ‘treasury'
Member states ultimately chose to turn the Commission into a European treasury, our results indicate, to lower lending costs and improve the efficiency of funding operations when borrowing at scale.
Although EU borrowing is still not recorded in the Union's budget, which remains subject to the requirement that expenditure and revenue be in balance, instruments such as the RRF and macro financial assistance are explicitly backed by the EU budget and subject to risk controls.
Back-to-back lending has been replaced by active debt management under which the Commission issues single brand EU bonds and uses the funds raised to finance multiple policy programmes.
The Commission's ability to implement a competent borrowing strategy is now scrutinised closely in the context of the mid-term revision of the Multiannual Financial Framework
it remains likely that the Commission will have to scale down its market presence unless new financial instruments are created after 2026
The financial autonomy the Commission has gained in its approximation of an EU treasury may yet be taken away by the member states in future instances of re-contracting. »
Jean-Guy Giraud
11 - 11 - 2024
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